Mercredi 18 Juin, 9h55

Je ne m'attendais pas à découvrir un sourire angélique sur le visage de la gamine, c'était clair. Je ne fus pas déçu : le regard aux yeux révulsés qu'elle porta sur moi contrastait ignoblement avec la douceur de ses traits. Une bile épaisse et noire s'évacuait des commissures de ses lèvres, tachant le devant de sa robe en deux filets réguliers. Quand elle ouvrit la bouche pour me parler, un flot de cette substance grasse et gluante se déversa sur ses chaussures et sur le tapis de la pièce.

 

- Lino et les copains t'attendent à la cave pauvre con !

Elle avait gargouillée plus qu'elle n'avait parlée en pointant le doigt vers une porte située sous l'escalier qui menait aux étages supérieurs. C'est alors que je perçus à nouveau les chants que l'horreur de la scène m'avait fait occulter. Ils venaient du sous-sol.

 

Entre deux nausées, je tâchais de réfléchir. Je pensais à mon arsenal dans le double fond du coffre de ma voiture. J'imaginais les dégâts que pourraient causer une décharge de plombs de 12 ou une balle de 9mm dans le corps d'un enfant. Je me ravisais aussitôt, cherchant une autre solution à toute blinde.

 

La gamine se retourna alors vers ses géniteurs immobiles pour continuer son jeu morbide d'apprentie ménagère. Elle prit un grand couteau de cuisine posé sur la table basse et se mit à trancher l'oreille gauche de ce dernier. Je restais là, pétrifié, assistant au lent découpage méthodique de l'organe paternel. Mes jambes n'existaient plus. Je ne sais combien de minutes s'écoulèrent. Quand l'oreille se détacha, il me semblait être au bord d'un gouffre immense et noir. La môme leva la main, exhibant son trophée entre ses petits doigts, puis le posa délicatement dans l'assiette en plastique que tenait le cadavre de sa mère.

 

C'est à ce moment, je crois, que mon envie de gerber se fit plus vive. Même si je n'en fie rien, cela eu au moins le mérite de faire reprendre à mes neurones leurs fonctions premières. L'abîme se referma et mes membres inférieurs n'eurent même pas le temps de sortir de leur léthargie que j'étais déjà dehors, courant vers la bagnole.

 

La tête dans le coffre, j'entrepris de déboîter la trappe camouflée. J'en sorti le canon scié et quelques cartouches que je fourrais au fond des poches de ma veste. Classique, préférant en faire trop que pas assez, je me saisi également du 9mm israélien que je glissait à ma ceinture. Au passage, je m'emparais de ma vieille rapière qui avait trop longtemps roupillé à mon goût. J'en examinais le tranchant toujours intact.  Une ombre passa dans mon esprit en pensant aux corps dans lesquels elle allait probablement trancher. Triste réveil pour si noble lame. Je chassais aussitôt les pensées venues d'un autre temps pour faire de la place à la froide détermination dont j'avais besoin. Ma besogne ne devait souffrir d'aucun état d'âme. J'enfonçais la lame dans son fourreau. Je mis ce dernier en bandoulière dans mon dos.

Je claquais le coffre bruyamment et me dirigeais à nouveau vers la maison ou une fête se préparait sans moi. Pour la première fois de mon existence, je sentais que le chasseur que j'étais cédait peu à peu la place au tueur que j'allais devenir.



20/12/2007
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