"Une tête dans le mur ?"

"Une tête dans le mur ?"

La mère ne cessait de répéter cette question.

Le petit dernier refusait désormais de dormir dans sa chambre. Il disait que sous la fenêtre, dans le mur, une tête lui parlait la nuit. Ce n'était pas un cauchemar, ce n'était pas un rêve, il affirmait avec force et conviction qu'elle lui racontait des histoires dès que le soleil se couchait et ça l'empêcher de dormir.

Il n'était cependant pas effrayé, mais sa mère oui...

Elle se tenait à la fenêtre, tournant le dos au petit qui finissait son bol de lait. Elle regardait le fond du jardin avec anxiété. Son regard se porta un petit moment sur le carré de broussailles qui avait continué à pousser de l'autre côté des rosiers.

Au bout d'une minute elle se décida à décrocher son regard des ronces et du chiendent. Elle  contourna la table et s'accroupit auprès de son fils. Ce dernier tourna son visage vers elle, une petite moustache de lait au dessus de la bouche.

- T'es inquiète maman ?

Elle lui passa la main dans les cheveux.

- Non, c'est rien.

Elle lui fit un sourire pour le rassurer. Elle hésita un moment. Il fallait qu'elle soit sure cependant.

- Qu'est-ce qu'elle t'a racontée cette tête Lino ?

Le petit ôta ses coudes de la table et leva les yeux au plafond comme pour se souvenir.

- Elle me raconte des histoires d'il y à très longtemps. Des histoires qui se passent dans des grandes villes de pierres. C'est des villes que des choses ont construites bien avant que les humains soient là.

Sybille en était à son vingtième frisson de la matinée. Une nouvelle fois, elle fit un gros effort pour sourire au petit garçon. Elle se leva en claquant des mains, tentant de feindre l'indifférence.

- Faut faire vite bonhomme ! Va te brosser les dents, le bus ne va pas tarder.

Quand Lino fut parti pour l'école. Elle appela au bureau de Marc pour mettre celui-ci au courant de la situation. Il y eu un long silence avant que ce dernier lui conseille de joindre Sol sans tarder. Quand elle raccrocha, elle se souvint de ce qu'elle avait dit à Sol il y a une dizaine d'années : « J'espère que c'est la dernière fois que nous nous voyons.

- Si ce n'était pas le cas, cela voudrait dire que tout ce que nous avons fait n'aura servit à rien ou que vous avez une sacrée guigne, lui avait répondu ce dernier. »

Elle avait alors posé ses deux mains sur son gros ventre comme pour protéger son premier enfant de cette « guigne ». Debout sur le perron, elle et Marc avait serré la main froide de Sol. Il avait remis son chapeau et avait rajouté :

 « Au plaisir de ne plus vous revoir, alors… ».

Puis il était partit.

Le lendemain Sybille accouchait de son premier fils, Martin. Trois ans plus tard Lino naissait à son tour. Et jusqu'à ce matin, elle avait vraiment cru qu'un jour elle et Marc oublieraient tout.



25/11/2007
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