un nouvelle aube

Une nouvelle aube s'était levée sur le Rempart. La signification même de cette simple phrase échappait aux habitants de la Ville. Le Soleil n'était plus qu'un mot dont le souvenir évoquait la chaleur, la lumière et le Ciel étranger.
Trop habitués aux murmures et aux paroles basses et aux longs silences, ils avaient été surpris par les cris, bien avant d'en saisir le sens. La monotonie est un couvercle pour l'angoisse, et la monotonie était rompue.

Quelque part au cœur de la Ville, une femme sans âge allait sans regret ouvrir une porte trop longtemps restée fermée.

Des chuchotements s'élevèrent sous les toits, des caves nauséabondes aux greniers à lambris, mais nul n'osa aller contre la vieille femme…


Il s'était arrêté dans une petite rue sans nom, non loin de l'église sans cloche. La rue était étroite et mal pavée, plongée dans une quasi obscurité. Mais il aperçut un porche faiblement éclairé, et pour toute tremblante qu'elle fut, cette lumière était le signe qu'il attendait : quelqu'un lui répondait !
Il avança pas à pas, incrédule et inquiet à la fois, jusqu'à ce qu'il arrive enfin devant la porte entrouverte. A l'intérieur, la vieille femme attendait, sans bouger.
« Madame… », murmura-t-il, hésitant. « Le rempart s'est fendu d'une bien vilaine faille… »
– N'est-ce point le destin du rempart que de se couvrir de fissures ? », répliqua la femme. « N'est-ce point le destin d'un mur que de se lézarder, le destin de la fleur que de se faner, le destin de la peau que de se rider ? »
Il dévisagea la vieille à la peau parcheminée et la flamme de la bougie qui trônait sur une cheminée sans feu se mit à vaciller doucement. Elle lui rappelait quelqu'un ou quelque chose, mais il n'arrivait pas à se souvenir qui ou quoi…
– Ce n'est pas une fissure comme les autres… », reprit-il d'une voix chevrotante. « Celle-là menace de faire s'écrouler le rempart ! »
– N'est-ce point… », commença la vieille en tournant lentement son visage vers lui.
– Il suffit, vous et vos idioties ! », pesta-t-il en se retournant soudain. « Vous pouvez tous mourir ! »
Il s'enfuit en courant dans les ruelles de la ville, criant et insultant ses habitants, ces fantômes indifférents qui se terraient comme des rats ! Il leur dit sa rancœur et toutes les choses qu'il leur reprochait, des plus insignifiantes aux plus importantes à ses yeux. Il crachat sur les portes et les volets clos depuis tant d'année, il pissa dans les réserves d'eau, décrocha les porte-bonheur des porches couverts de lierre. Puis, une fois sa colère apaisée, il s'en retourna vers le rempart d'un pas traînant jusqu'à ce que le mur blanc apparaisse tel qu'il l'avait quitté.



12/01/2008
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